CatégorieDes chimères

(expérience n°8) – #User69

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Attention aux divulgâchements !

Ce que vous allez lire est un chapitre de l’histoire La Manufacture de l’Onirie de la série Chimères qui comprend une autre histoire : Le Monde du Dehors. Si les deux peuvent se lire indépendamment, il est conseillé de découvrir la fin du Le Monde du Dehors avant la fin de cette propre histoire !

Les chapitres du Le Monde du Dehors sont disponibles ici.
Quant à ceux de La Manufacture de l’Onirie, retrouvez-les .

(expérience n°7)

#User69

Je termine à peine un long baiser langoureux qu’une autre bouche s’offre à la mienne. Je sens des mains, douces et puissantes, me toucher de partout, même à des zones très sensibles…

Tout n’est que soupirs et gémissements dans ce labyrinthe sombre. Une musique entrainante, régulière, parfois saccadée de notes graves, nous met dans l’ambiance, même si les invités de ces lieux ont trouvé par eux-mêmes le rythme qu’ils souhaitaient donner aux autres.

Je me sens terriblement bien. Je navigue de corps en corps, caresse la surface de cette mer d’hommes offerts qui ne demande qu’à être approfondie.

Les chairs se présentent sous toutes ses formes. Leurs porteurs s’acceptent avec bienveillance et prennent là où les envies les emportent.

C’est ma première expérience sexuelle en mode virtuel. Un ami habitué m’en avait parlé mais je n’étais pas trop partant. Je craignais que cela soit trop chimère, un amour de seconde zone, un peu comme se soulager avec un jouet plutôt qu’avec un autre homme. Puis, à force de m’en parler, je me suis laissé convaincre, et je suis monté dans une de ces Capsules.

Les sensations sont incroyables. C’est comme si j’étais vraiment là-bas avec tous ces garçons qui attendent la même chose que moi. Je les sens et les saisis comme s’ils étaient réellement avec moi. Le détail de leur physique me surprend : ils sont exactement comme ils sont dans la « vraie » vie.

Pour ces moments de partage d’instincts primaires, il existe une réglementation particulière. Il est par exemple impossible de concevoir quoi que ce soit ici, si ce n’est de matérialiser certains objets déjà imaginés par les Oniric Content Designers, payants bien sûr. Aussi, on doit obligatoirement se présenter sous notre réelle apparence pour éviter de tromper l’autre et qu’il se sente trahi ! Sinon, dans les pratiques, on pouvait faire tout ce qu’on voulait dans la limite du raisonnable, tant que l’on ne blessait pas trop sérieusement…

Ce qui est surtout incroyable pour moi, c’est de pouvoir me mélanger avec d’autres hommes venus des quatre coins du monde, d’avoir cette diversité que je n’aurais sans doute pas eu en vrai. Je ressens tout. Je vis tout. Je le dis avec un peu de honte : je n’ai jamais ressenti un tel orgasme.

(témoignage n°8) – Mathieu

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(témoignage n°8)

Mathieu

« Les jours passent et se ressemblent. Notre pire ennemi, c’est l’ennui. Quand on ne fait rien, on pense à toute la merde qui nous est tombée dessus : on pleure, on se met en colère, et on déverse notre rage sur son voisin. D’abord, c’est verbal, puis c’est physique. Et ça se bat à deux, puis à trois, six, douze… et ça part à l’émeute. Le chaos, on fait tout pour ne jamais l’avoir, avec Yann et Roxane. Faut dire qu’il suffit à Yann de se montrer, vu son physique, ça calme direct… ouais d’accord : mais jusqu’à quand ? Un jour, on le sait, il n’impressionnera plus. Ou il va finir par être hors d’état de nuire. J’entends par là, le crâne explosé avec n’importe quel bâton pointu que n’importe qui peut fabriquer en deux-deux. Alors, même si je me démerde assez en combat, avec Roxane, on essaye de réfléchir à des méthodes plus subtiles que la force brute de dissuasion. Et on s’est dit qu’il fallait les occuper, les Têtes Baissées. Alors plutôt que de leur attribuer des tâches monotones, on essaye de leur faire jouer un rôle différent chaque jour que Dieu fait -enfin, par Dieu, façon de parler : s’il existe mais quel connard ! -. Les cueilleurs deviennent guetteurs, les guetteurs chasseurs, les chasseurs voyageurs, les voyageurs cueilleurs… enfin, tu vois le truc. On se réunit même tous chaque soir dans la plus grande des pièces souterraines pour se raconter nos histoires. Celles d’avant. Quand on avait encore du ciel bleu, qu’on pouvait entendre les oiseaux, respirer de l’air frais même s’il était déjà pollué. Quand on vivait dans le bonheur. Car, malgré tous nos soucis, on vivait. »

(expérience n°7) – #User51

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(expérience n°7)

#User51

Mes plumes se balancent dans la danse du vent. L’épaisseur des nuages s’amincit, puis, soudain, j’aperçois la cime des montagnes enneigées. Je ressens le froid mais je résiste à sa morsure.

Ma vue transperce l’horizon et j’analyse des détails que je n’aurais jamais pu remarquer à une telle distance. Un renard blanc joue avec un autre, tandis qu’un ours traverse, lentement mais puissamment, le blanc manteau.

Je savoure surtout cette envolée dans la nature sauvage. Jamais de toute ma vie je n’ai ressenti une telle sensation. Je vole à des centaines de mètres sans ressentir la moindre peur ou un soupçon de vertige… comme si j’avais fait ça toute ma vie !

Je replie mes ailes longues et étroites le long du corps pour me laisse piquer presque à la verticale avant de remonter avec une certaine grâce.

Je navigue dans l’océan du ciel, j’improvise une abracadabrante chorégraphie d’oiseau dont moi seul ai le secret.

De mon bec tordu jusqu’aux serres, je vis ma plus belle vie de rapace.

L’espace d’un instant, j’oublie que j’ai toujours été paralysé sur un fauteuil roulant.

Je ne me suis jamais senti aussi vivant.

(témoignage n°7) – Priyanka

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(témoignage n°7)

Priyanka

« C’était déjà difficile d’être une femme dans le monde d’avant alors imaginez dans le monde d’après… surtout quand vous êtes d’origine indienne ! Si vous n’êtes pas un homme, et encore moins blanc de peau, certains vous le font bien savoir en venant vous dire que votre présence dans la Grotte est « illégitime » ! Heureusement, Isabelle et Seb ont deux caractères bien trempés. Quand ils ont été nommés Dirigeants, ils ont aussitôt crié haut et fort que ceux qui se comporteraient mal avec les autres seraient punis ! Ils ont d’ailleurs mis des femmes dans l’organisation, moi y compris, pour montrer qu’on avait bien toutes notre place dans la Grotte ! Mais avec toute la volonté du monde, du moins ce qu’il en reste, on ne peut jamais empêcher les gens de penser… et je sens de temps en temps des mauvais regards. Voilà pourquoi je ne reste jamais seule… ne sait-on jamais. Les quelques femmes qui ont osé aborder ce sujet m’ont raconté qu’elles avaient le même sentiment d’insécurité que moi. J’espère qu’on pourra faire évoluer rapidement les mentalités. Ce sera difficile, je le sais. Beaucoup vous diront que la priorité c’est de survivre. Vivre, ça viendra après. »

(expérience n°6) – #User42

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(expérience n°6)

#User42

Le Soleil décroit derrière l’horizon. Je le vois se coucher entre deux collines verdoyantes. Ses couleurs deviennent froides et donnent, à l’immense paysage, un aspect rose et violet qui me plait beaucoup.

Je sirote un Spritz toute seule, à moitié allongée sur la terrasse de ma grande villa. Je vois de grands oiseaux bleus du Brésil voler au loin alors que je suis en France mais je ne suis pas à une incohérence près…

J’oublie pour le temps d’une heure mon appartement pourri de douze mètres carrés sans charme mais loué avec cent pour cent garantie dépression.

Ici, je personnalise mon espace. Et de l’espace, j’en ai ! Je me suis rappelé de la maison de mon enfance, un grand domaine rural, et, avec un peu de concentration, et d’adaptation, j’y vis à nouveau dedans.

J’ai paramétré la température idéale, une petite vingtaine de degrés avec une légère brise. J’ai claqué des doigts et mon cocktail italien est aussitôt apparu dans ma main. Je le sirote… il est très bon !

Voilà un mois que je viens chaque dimanche matin pour me ressourcer. Comment faisait-on avant ces rêves éveillés ? Je suis complétement accro à ces Capsules.  C’est juste… divin !

>Start a one-on-one chat between Oniric Content Designers (OCD) – Level One – (1)

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#OCD321 : Hey, tout est prêt pour le client de vendredi ?

#OCD124 : Hey, lequel ? Tu connais la volumétrie des dossiers…

#OCD321 : Celui de l’#User7, l’architecte !

#OCD124 : Ha oui à 14h. J’ai un call avec le Manager demain pour bien préparer l’Expérience.

#OCD321 : Que dit le Service des Risques à ce sujet ?

#OCD124 : Ils ont mis le barème à « 1/5 », et encore, le 1 c’est vraiment par prudence, sinon, en off, ils ont dit que c’était plutôt « 0,3/5 ».

#OCD321 : Ok, donc tout est bon !

#OCD124 : Vu ce que l’archi nous a payé, ce dossier est en priorité chez nous ! Surtout qu’il y a le maire, faut mettre le paquet !

#OCD321 : Top ! Et sinon, rien à voir mais l’autre de tout à l’heure là… c’est pas glauque ?

#OCD124 : Heu lequel ?

#OCD321 : Tu sais, le gars qui revient dans nos Capsules chaque samedi matin pour revivre le décès de sa femme dans sa chambre d’hôpital ? Attends je cherche son #… oui voilà : #user12 !

#OCD124 : Ha ouais mais c’est comme ça… tu ferais quoi toi si ta femme devait mourir à 35 ans ?!

#OCD321 : J’avoue… je ferais comme lui je crois… mais un souvenir heureux… bon j’arrête je vais déprimer. Il est tard, je te dis à demain !

#OCD124 : A demain !

(témoignage n°6) – Yann

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(témoignage n°6)

Yann

« On dit que je suis une arme. Une arme vivante. Une arme froide. Une arme prête à être actionnée à tout moment, aussi bien le jour que la nuit. Une arme redoutable dont les morts se comptent par centaine. Une arme exposée dans les combats entre groupes. Une arme plus discrète dans les assassinats. Une arme qui ne parle pas mais qui agit. Une arme qui ne laisse rien paraître, pas même de la colère. Une arme faite de chair et de sang mais inhumaine. C’est vrai. C’est vrai que ma taille de colosse, mes épaules larges, ma musculature épaisse et mon regard sombre impressionnent. C’est le but. Je dois inspirer du respect ou de la crainte. Je dois montrer à tous de quoi je suis capable. Je n’ai aucune limite. Si on me demandait d’égorger une femme car elle est une menace alors je m’exécuterais dans l’heure. Je suis la brute. Je suis la peur. Mais c’est faux. Je ne suis pas une arme. Je suis un homme. Un homme qui ne souhaite que le bien du plus grand nombre. Nous sommes devenus tellement peu nombreux. Nos journées sont éprouvantes. Nous sommes stressés. Epuisés. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Alors c’est facile d’être violent. C’est facile de se laisser emporter par ses pulsions. De se faire du mal les uns les autres. De se tuer. De faire exploser tout ce qu’on a construit dans la Grotte. Alors je suis là pour tout canaliser. Et si pour aider je dois m’opposer alors je le ferai. Sans aucune hésitation. Je suis une vraie fausse arme. »

(témoignage n°5) – Raphaël

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(témoignage n°5)

Raphaël

« J’avais suggéré de mettre en place un endroit dédié aux soins… ils avaient accepté. Il ne pouvait pas en être autrement. C’était une évidence. L’évidence que tout le monde n’allait pas s’en sortir. Que des membres de la communauté allaient tomber malade. Souffrir. Mourir. Alors on avait aménagé comme on a pu une des galeries souterraines les plus reculées. On avait installé quelques lits de fortune dans un lieu très éloigné de la surface pour ‘protéger les plus fragiles du danger’, comme on le disait. En réalité, c’était pour préserver les bien-portants… parce que le danger ce sont les malades. L’Infirmerie était depuis le départ pauvre en médicaments et la moindre infection, même bénigne, pouvait devenir une arme mortelle et se propager à vitesse grand V dans la Grotte. Surtout qu’il existe à l’extérieur cette composition chimique qui détruit les poumons. Un remède ? C’est ce que je tente de trouver. Mais je suis cardiologue, pas pneumologue ! Je ne peux pas tout savoir en médecine et surtout sur ça ! Malgré tout, je prends des notes. Je fais comme je peux des sorties dans des laboratoires ou des hôpitaux dans l’espoir de trouver quelque chose. Mais il n’y a rien. On a toujours été précédé par d’autres survivants. Forcément, ils prenaient tout. Forcément, on les comprenait. On aurait fait la même chose. Car, pendant ce temps, on tombe malade. On souffre. On meurt. »

(expérience n°4) – #User18

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(expérience n°4)

#User18

C’est une étrange forme flottante dans l’air. Elle se meut dans un mouvement irrégulier. Jamais le même. Je n’arrive pas à la décrire. Ça me voit. Ça se glisse près de mon bras. Ça m’effleure doucement comme un chat ronronnant.

J’hésite. Je tends malgré tout ma main…

Je crois toucher un son. Sauf que je ne l’entends pas par mes oreilles. Je le discerne à travers ma chair, mon sang. Comme si toutes mes cellules, toutes mes globules en ressentaient les moindres vibrations et les émettaient à leur tour à l’unisson.

Je discerne un piano au loin qui se rapproche. Cela fait longtemps… je tremble. Je visualise mes mains s’approcher de l’instrument. J’ose toucher du bout de mes doigts les touches blanches et noires. Je les ressens comme des souvenirs mais ils n’existent pas encore. Ils m’appellent. Ils n’attendent qu’à naître.

Ils réveillent au plus profond de moi ce que j’ai longtemps oublié. Ce que je pensais ne plus jamais retrouver. Alors j’appuie. Je sens un fil qui me rattache. J’appuie. Un deuxième rejoint le premier. J’appuie. En voilà trois. J’appuie, j’appuie, j’appuie… je me renoue à quelque chose que j’avais cassé au plus profond de moi. Les fils, devenus nombreux, deviennent des cordes. Ce qui était fragile ne l’est plus, ce qui était incertain ne fait plus place au doute. Je rejoue !

Vous entendez ?! Je rejoue !

(témoignage n°4) – Isabelle

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(témoignage n°4)

Isabelle

« Chaque nuit, je chasse. Ce n’est qu’au coucher du soleil qu’on peut mettre le nez dehors et respirer plus ou moins convenablement. L’absence du soleil, et donc de la chaleur, fait diminuer le gaz. Le jour, il faut se couvrir tout le visage et espérer qu’il ne fera que quarante-cinq degrés celsius. Je suis certaine que même en enfer il fait meilleur. Je n’ai pas d’autre choix que de partir entre minuit et quatre heures du matin. Heureusement, je suis pas seule. J’ai six hommes et une autre femme pour m’accompagner. Notre but ? Trouver tout ce qui peut nous être utile. De la nourriture, des vêtements, des médicaments. Les armes ? Elles se font bien rares. La France n’a jamais voulu doter ses citoyens de ces choses-là, contrairement aux Américains. Pas sûre que notre groupe serait aussi gros si c’était le cas. C’est peut-être un mal pour un bien, qui sait ? Heu… qu’est-ce que je disais déjà ? Ha, oui, la chasse. Toutes les nuits, on espère trouver le bon filon, un peu comme des chasseurs de trésor. Il nous arrive souvent de revenir bredouilles mais parfois on a de belles surprises. Notre plus grosse prise ? Une maison à quelques kilomètres de là. Quelqu’un avait entassé chez lui une tonne de boîtes de conserves, comme s’il avait prévu le coup. Curieux, hein ? Quoi qu’il en soit, on avait tout rapporté dans la Grotte et la communauté nous avait applaudi comme si on avait remporté les jeux olympiques. On était fiers et on se sentait heureux. Alors, chaque nuit, je chasse, et je garde ce beau souvenir en tête. Je cherche pour nous de quoi vivre mieux. »

Enrím

Cosmonaute vagabond dans l'espace rêvé, j'essaie tant bien que mal de matérialiser tout cet imaginaire qui me traverse.

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