Il existe, quelque part, en tournant bien le cœur, un endroit que les yeux ne peuvent voir. Il est un espace que le corps s’approprie, engloutit, ressent. C’est une odeur qui sent bon les sentiments. C’est un souvenir du futur. C’est un son du silence. C’est une couleur de l’invisible. C’est un mot qui ne s’écridit pas. Il faut ajuster son âme dans ses meilleurs et pires paramètres. C’est un algorithme chaotique. Il faut s’improviser scientifique-poète… ça ne s’apprend pas, ça s’éprouve. Il faut prendre ou bien rejeter tout ce qui vient, ou alors qu’une partie, ou alors ne rien faire, ou alors tout faire. Il n’existe pas de codes, de manuels, de notices. C’est un vaisseau propulsé à l’essence de l’être. Tant pis ou tant mieux si tout se casse la gueule, ou arrive à bon port, ou revient à son départ. Le voyage est tout ce qui compte quand on cherche l’angle de son cœur.
Je souffris.
J’ai de la douleur à en rire, alors je souffris. Je le montre dans un cirque que j’ai monté avec toute la peine du monde, pour que le public voit mes plus belles larmes de clown dans mes pitreries. Je fais gonfler un ballon, tout déformé, tout bizarre, qui est moi. Il est rempli avec le souffle d’un homme essoufflé, avec du rien, si ce n’est de la honte et de la colère, donc avec tout. Il explose avec l’aiguille du mot bien placé. Le public n’y comprend rien, c’est tout là l’art circassien, de jongler dans le non-sens, d’arroser la vie de sa vie.
Cette chose dans la tête
Je loge cette chose dans ma tête qui ne veut pas partir. Elle se met entre moi et la Création. Elle m’empêche de raconter mes voyages quand je suis là-bas, dans cet Univers de mondes qui me permet de trouver les mots. C’est vivant… je crois. Elle forme une barrière. Je tape mes poings, mon cœur et ma tête dedans. Je rebondis en arrière et me fracasse par terre. Cette chose m’empêche de m’exprimer. Cette chose est contre moi. Je ne sais pas ce que je lui ai fait. J’ai beau cherché au fin fond de ma mémoire, explorer la moindre parcelle de mes souvenirs, je ne trouve rien qui lui permettrait d’avoir des bonnes raisons de me contrer. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne me m’aime pas. Ce qui est moins sûr, c’est ce souffle quelque part, un murmure presque chanté, me lançant doucement que, cette chose, c’est moi.
Je m’assoie, j’attends
Je m’assoie, j’attends. Dans la fatigue, les mots reviennent. Mon énergie était dans la barrière. Ces mots rentrent, font place. Ces mots sonnent, font écho. Ces mots plongent, font noyade. Je ne veux pas toucher au plus près, je veux toucher. Fusionner. Comment faire quand la distance fait loi ? Comment brûler le Code ? J’ai l’essence de mon être sans l’allumette. Cassez-moi tout, que j’y mette le feu. Les flammes feront place nette.
Comme la lumière est jolie
Comme la lumière est jolie lorsque tu te l’imagines. Tu te la projettes blanche, jaune, ou d’une autre couleur, forte comme celle du Créateur ou faible sur le point de faillir, nouvelle à la seconde ou aussi ancienne que l’éternité. Elle peut te téléporter aux confins de l’Univers comme te projeter plus bas que terre. Elle peut être aussi bien accueillante qu’une mère te tendant les bras pour te lover contre sa poitrine, que terrifiante face à une mort glaciale t’attendant au tournant de la vie. Elle s’oppose aux ombres, aux ténèbres, aux nuits, ou s’allie à l’obscurité pour te guider dans ses étoiles quand tu te perds. Elle te jette des sortilèges qui te maudissent, elle te lance des formules qui te protègent. Elle te baigne aussi bien dans un Soleil d’hiver que dans une Lune d’été…
…alors pourquoi t’obstines-tu à devoir m’éclairer, à me dire qu’elle n’est qu’un rayonnement électromagnétique dont la longueur d’onde, comprise entre 400 et 780 nm, correspond à la zone de sensibilité de l’œil humain, entre l’ultraviolet et l’infrarouge ?
Rêver ne s’explique pas.
L’Amimâle
L’Amimâle promet bien des choses dans le Temps de la Nuit. Je le regarde, me terrifie, mais, dans un sourire aux dents aiguisées, plante dans mon regard ses yeux sauvages pour me dire « Voyons, je suis toi ! ». Il reprend sa chasse dans le Repère des Ombres. Il renifle, passe sa langue entre ses babines. Il est étonnant de le voir aussi confiant entouré d’autres bêtes. Il observe les mouvements, ces gestes qui veulent tout dire. Il fait glisser ses pattes dans la nuit… il n’a pas encore choisi. Il renifle les odeurs qui émanent des lieux. Puis, soudain, une lui plaît plus que les autres. Il inspire à plein poumons cet arôme sauvage. C’est là un fumet qu’il ne faut pas laisser s’enfuir. D’un coup, il trouve la chaire qui a tout pour lui plaire. Torturé dans une faim sans fin, plante d’un coup sec ses crocs dans cette proie qui voulait être trouvée. il savoure le goût du liquide qui coule dans sa gorge. Ses cris sont aussi les siens. Il est difficile de savoir qui en tire le plus du plaisir. Je sors un instant plus tard, repu… pour le moment.
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Je te regarde comme si c’était la première fois. Je me demande si tu vois comme moi. Plutôt : si tu sens comme moi. J’ai plongé dans une lumière. Je me suis senti emporter dedans et y avoir déversé ma cervelle, mon cœur, mes tripes, mon sang. J’y ai mis tout mon être. J’ai accepté de troquer mes sens et mes repères pour ressentir et aimer. C’est comme écrire sans se relire, placer la virgule, placer les virgules,,, laisser que des virgules,,,,, les virgules, virguleront, ,
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L’Après
Il paraît que le ciel est grand, qu’on finira tous par tomber dedans. Ce n’est pas la vie qui nous offrira une vue aérienne, c’est ce qui suivra après. L’Après, d’ailleurs, on y pense tous souvent alors qu’on est dans le Pendant. L’Avant, pourtant, on n’y pense jamais.
Je regarde tout au-dessus de moi et me demande où sera ma place, si je serais sur un de ces nuages ou alors faudra-t-il encore se battre pour gagner sa place. Peut-être même qu’il existe des niveaux et que plus on est haut et plus on peut faire le beau. J’espère qu’on dépassera la Terre et qu’on finira dans les étoiles, qu’on pourra voyager partout où l’on voudra. Et si on l’espace est infini, et s’il est aussi beau des quelques photos que l’on tire d’ici, cela explique pourquoi personne est revenue ici.
J’espère de tout mon cœur que nous serons des voyageurs, éternels dans ce qui ne se finit jamais, que l’on ira espionner en douce la vie qui s’étend ailleurs, que l’on rigolera très fort quand on verra comment on les avait imaginés dans nos papiers et nos écrans. On rencontrera alors dans cet Après d’autres espèces qui ont aussi terminé leur vie, et, par un temps qui ne nous concerne plus, on finira par tous se comprendre et apprendre.
Voilà une idée qui me rassure dans le Pendant. S’il y a bien une chose que je crains, c’est de penser que seul le Néant nous attend.
Aussi soudain
Aussi soudain, pas le temps de réfléchir, les choses se donnent, le cœur les prend comme elles sont. Elle est la clairière, elles sont les pierres. Elle reçoit les coups, les absorbe et se trouble. Elle les prend dans leur état brut, elle qui sait que son eau ne peut jamais être calme. Elles alimenteront son courant, elle qui, depuis toujours, ressent tout depuis sa source, elle qui, depuis la nuit des temps, se déverse dans le corps des gens.
De la nuit à récupérer
J’ai de la nuit à récupérer alors j’ai pris ma tenue spéciale, une combinaison intégrale, direction l’Intersidéral. J’ai préparé ma navette fabriquée maison, mis tous mes bons souvenirs dedans, puis j’ai décollé dans le Moment de Sans Lumière. Une fois au Dessus de Tout, j’ai saisi mon AspirOmbre, j’ai pris ce qu’il y avait autour. J’ai pris des morceaux puis les étoiles se sont un p’tit peu rapprochées. Je n’ai aucun regret car, ici, la nuit est telle que tout le monde en profitera encore pendant des milliards d’années. Puis, de la nuit qui reste toujours dans la nuit, c’est nul, ça ne sert à rien. C’est dans le jour que l’on voit que la nuit est nuit.
De retour en Dessous de Tout, j’ai vidé tout le sac de mon AspirOmbre dans ma Boîte à Fabriquer des Rêves Qui se Veulent Réelles, ma Boîte à Rêvalités, et j’ai vu dans les moments les plus sombres de la lumière qui nous rattache à nous.