Lorsque les bougies éclairent peu ma vie, je me refuge dans un de mes coins préférés imaginaires.
Je deviens un sorcier-chaman. Je porte un long collier d’osselets par-dessus mon torse velu. Des bagues d’or habillent quasiment tous mes doigts tandis que des bracelets de fils fins, autour de mes poignets, contrebalancent la valeur et le poids de ces premières.
Mes cheveux et ma barbe, plus longues que dans la réalité, sont négligées et semblent avoir subi mille aventures. Le jaune de mes yeux s’impose sur le vert, scrute avec une intensité sans pareille une veille table en bois sur laquelle sont disposées des bougies dont les flammes sont ici guerrières.
Je prends dans un vieux bol une consistance bleue pâteuse, je me dessine le corps avec des traits à la signification lointaine. Je murmure des mots d’une langue oubliée. Dans la nuit, soudain, les flammes vacillent et sont soufflées, leur fumée m’entoure, les traits peints s’allument comme des étoiles sur la carte obscure de ma peau. Je croise mes bras sur mon torse et murmure une chanson du fond des âges.
Alors, dans ce rituel étrange, les choses de la vie qui me font sourire me reviennent dans le cœur. Je m’accroche près de mes souvenirs, ces morceaux de sons et de gestes qui ne sont presque rien mais qui font tellement tout.