\\ Le Vagabond \\

\

\\ L’Océan \\

À peine arrivé, la nuit m’enveloppa dans sa robe noire. Les lieux étaient cependant suffisamment éclairés par une drôle de lumière.

Je constatai que j’avais atterri sur du sable. J’enlevai à la hâte mes chaussures usées pour me sentir plus à l’aise.

La cape s’enroula autour de moi, étira ses tissus, s’adapta à mon anatomie pour devenir un manteau léger ou alors une veste plus épaisse. Je fis quelques enjambées pour me dégourdir. La caresse des grains sous mes pieds endoloris me fit du bien.

Une drôle de chaleur m’envahissait sans que je comprenne vraiment pourquoi, mais je l’acceptai sans rien dire : c’était agréable. Je sentais étrangement les forces me revenir, ma fatigue s’envoler. J’éprouvais de moins en moins la douleur. Je regardai mes bras puis mes jambes, et découvris à mon plus grand étonnement que mes blessures avaient disparu sans laisser la moindre trace.

Mon regard se porta sur cette fameuse lumière qui avait attiré mon attention depuis mon arrivée. Mes yeux bleus s’agrandirent.

C’était un océan de nuits avec des morceaux de jours à l’intérieur. Un mélange de ténèbres perdues et de lumières retrouvées. Il y naissait bruyamment des vagues, grandes, puissantes, monstrueuses, prêtes à noyer les mondes, et qui mouraient, petites, faibles, magnifiques, en silence. J’avais face à moi un univers qui se faisait et se défaisait à l’infini. C’était… fascinant.

J’entendis soudain un son à peine audible. Comme un enrouement englouti. Une voix aquatique. Je compris, sans savoir comment, que l’océan me parlait. Il me criait dans un murmure de venir à lui, que je ne craignais rien. La mésaventure sur la colline aurait dû m’obliger à me montrer plus prudent mais je n’avais envers lui aucune méfiance, bien au contraire.

J’y glissai alors un pied. Je touchais le sol mais j’avais cette sensation d’avoir plongé dans une eau profonde. Cette contradiction m’émue, et, voulant en découvrir plus, me laissa enfoncer un peu plus.

Et tandis que je m’avançais et que l’eau montait, je perçus une odeur inhabituelle d’une mer mais malgré tout familière. Je ne pus m’empêcher de porter cet étrange liquide étoilé à ma bouche… il avait un goût légèrement sucré. Je me rappelai alors que je n’avais bu depuis longtemps et que j’étais assoiffé. Alors je bus. Abondamment. Tout mon soûl. Je n’avais plus aucune douleur. Même le chagrin que je trainais s’était estompé.  Cette eau était une mère qui accueillait son enfant et je me jetai tête la première dans ses bras protecteurs.

Je ressentais une quiétude que je n’avais pas connue depuis longtemps. Bercé par les étoiles chaudes de la froide obscurité, j’étais ivre d’un bien-être singulier. Je flottais et j’avais cette impression de tomber en haut, de grimper en bas. Je m’oxygénais comme jamais.

Une éternité ou un instant plus tard, je fus ramené vers le rivage. Mes vêtements furent aussitôt secs.

– Je te remercie, qui que tu sois, lançai-je à l’océan pendant que je remettais mes chaussures.

La voix engloutie répondit alors :

– Cela faisait des rotations de lunes que je n’avais pas reçu de visite.

La curiosité me poussa à poser cette question :

– Mais… qui es-tu ?

– Quelque chose qu’on oublie, me dit-elle simplement. Avant de partir, prends un peu de moi. Tu en auras besoin.

Je mis la main à l’intérieur de mon manteau-veste pour en sortir d’une poche une fiole en verre. Je la remplis de cette eau sombre éclairée. Aussitôt remise à son endroit d’origine, la voix reprit :

– Je t’accompagnerai désormais dans ton voyage. Va, maintenant…

Le manteau-veste se rétracta jusqu’à reprendre sa forme d’origine de cape derrière mon dos. Je soufflai quelques mots puis m’effaçai.

Enrím

Il paraît que je m'égare souvent dans la forêt de mes rêveries. J'aime passer mon temps libre dans le monde sauvage de l'imaginaire pour en arracher des pensées, des histoires, des notes, des nouvelles, des poèmes.

Je suis aussi ici