Chimères II : La Manufacture de l’Onirie

C

(expérience n°11)

#User12

– T’aimes bien la soirée ?

– Ouais mais la musique me gave un peu…

– Ça te dit qu’on prenne l’air ?

Je n’ai pas le temps de répondre qu’il me prend la main. La chaleur de ses doigts me donne le frisson. Il m’emmène.

Je sais que ce n’est pas la première fois que je viens ici. Je revis pour la cinquième fois la même chose au geste près. Je l’ai vu danser comme personne d’autre ne sait faire, encore et en corps. La même chorégraphie. Aussi étrange que magnifique. Je commence à croire que si je n’arrive pas à saisir ce qu’il a fait c’est parce qu’il l’a complètement improvisé. Il a laissé sa chaire prendre le pas et son esprit l’a accepté.

Je vois de nouveau son dos. J’ai encore envie de tendre ma main, de la faire glisser du haut de ses épaules, suivre le long de sa colonne vertébrale… mais je ne le fais pas. Je ne veux pas dénaturer ce moment que j’ai vécu au réel.

De retour à l’extérieur, dans le non-bruit du non-jour, avec pour seules amies les boules de lumières au-dessus de nos têtes. Il remet en place son manteau. Les flocons passent entre lui et moi. Je me chronomètre… voilà, je vais vers lui. Je l’embrasse. Il répond à mon appel.

Qu’on nous fige, qu’on nous fige, qu’on nous fige…

– C’est l’heure ! répond la même personne dans son micro.

Tout part de nouveau en vrille. L’homme de ma vie devient un chewing-gum vivant. Ma colère revient.

– Non ! Je suis un fidèle des lieux ! Donnez-moi du temps supplémentaire.

– Votre forfait ne l’autorise pas, me répond-on froidement.

Tout s’efface.

De nouveau.

Enrím

Cosmonaute vagabond dans l'espace rêvé, j'essaie tant bien que mal de matérialiser tout cet imaginaire qui me traverse.

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